Né en 1268 à Fontainebleau, Philippe IV dit le Bel, va laisser une image très contrastée dans l’Histoire de France. Si son règne est marqué par sa rivalité avec la papauté, et plus encore, par la disparition des Templiers, il mènera d’importantes réformes qui lui permettront de laisser à ses successeurs un domaine royal agrandi, des frontières consolidées et une administration efficace. Néanmoins, ces réformes auront un coût, obligeant le roi à chercher à tout prix l’argent nécessaire ce qui renforcera encore un peu plus sa légende noire.
Comment mettre à contribution la noblesse et le clergé
Lorsque Philippe IV monte sur le trône de France en 1285, les revenus du roi proviennent avant tout du domaine royal et d’un impôt en particulier : la taille. D’un autre côté, le soutien des vassaux repose surtout sur deux aides en nature : l’auxilium (une aide militaire) et le consilium (un devoir de conseil). En revanche, le roi ne peut demander l’aide financière de ses vassaux que dans quelques cas très précis : le paiement d’une rançon (s’il est fait prisonnier), le mariage de sa fille ainée, l’adoubement de son fils ainé où le lancement d’une croisade.
Le père du roi, Philippe III, conscient de la nécessité de trouver de nouvelles sources de revenus, avait déjà demandé de plus en plus souvent à ses vassaux de racheter leur contribution militaire sous forme financière. Philippe IV ira encore plus loin et n’hésitera pas à convoquer où imposer l’arrière-ban (les vassaux des vassaux) ce que le droit féodal ne permet pas.
Il faut dire que si le royaume de France est puissant, il est également affaibli par des années de guerres continuelles avec ses voisins. Ainsi, avec le conflit avec la Flandre en 1296, les vassaux vont être mis à contribution de plus en plus fréquemment. C’est alors un véritable impôt qui se met en place, et en 1300, le roi lèvera l’impôt sans faire référence à l’auxilium.
Au-delà des puissants seigneurs, un autre acteur important jouit de grands avantages et privilèges au sein du royaume : le clergé. Ce-dernier possède un imposant patrimoine foncier qui fait de lui une cible de choix pour le roi. Néanmoins, seule une situation exceptionnelle (comme, par exemple, le lancement d’une croisade) peut permettre au roi de lever la décime, un impôt sur les revenus du clergé.
Malgré l’absence de croisade, le roi parvient à obtenir l’accord du pape Nicolas IV en 1289 mais en 1296, il lève une nouvelle décime sans l’accord de Boniface VIII, déclenchant ainsi une première crise avec la papauté. En 1298, Philippe et Boniface se réconcilient et le pape joue même un rôle d’arbitre dans le conflit flamand. Finalement, la levée d’une nouvelle décime est accordée au roi, officiellement pour le financement d’une nouvelle croisade qui ne verra jamais le jour.
Taxes, impôts et spoliations
Tout au long de son règne, Philippe le Bel va s’engager dans différents conflits. Ces évènements obligeront le roi à trouver de nouvelles sources de financement, parfois en jouant sur la pression fiscale, parfois de manière plus brutale. Ainsi, alors que Philippe se retrouve en conflit avec la Flandre, les riches banquiers lombards sont spoliés de leurs biens en 1292 puis une nouvelle fois en 1311. En parallèle, un impôt indirect est levé sur les transactions commerciales. Payable par l’acheteur et par le vendeur, cet impôt sera surnommé « maltôte » (pour male tolta, c’est-à-dire « mal perçu »). Les rentrées n’étant toujours pas suffisantes, les villes se voient imposer l‘année suivante de lourds emprunts forcés.
Finalement, la paix d’Athis met fin en 1305 à la guerre des Flandres. Les flamands, vaincus, doivent notamment payer une énorme somme au roi qui pense enfin pouvoir diminuer la pression fiscale. Malheureusement pour lui, la Flandre ne paie pas, et une fois de plus, le roi de France se retrouve en difficulté.
Toujours à la recherche d’argent, Philippe, qui s’en était déjà pris plusieurs fois aux juifs par le biais de taxes, de saisies et d’expulsions locales, va les faire arrêter en 1306. Dans la foulée, leurs biens sont confisqués et le 22 juillet 1306, les premières expulsions du royaume sont décidées. L’année suivante, le roi se trouve une nouvelle cible de choix : les Templiers. Ces derniers sont arrêtés en 1307 et leurs biens sont saisis. Toutefois, la papauté exigera en 1312 que les possessions templières soient remises à l’ordre des Hospitaliers. Cette fois, Philippe le Bel s’inclinera, mais demandera 200 000 livres aux hospitaliers en échange de la remise des biens des templiers.
L’art de manipuler la monnaie
Le grand-père du roi, Louis IX (où Saint-Louis) avait mis en place une monnaie forte dont la valeur reposait sur l’or et l’argent. Depuis son règne, battre la monnaie était devenu un privilège royal mais pour ne pas déséquilibrer l’économie du royaume, le roi ne devait pas changer à son gré le cours de monnaie qui reposait sur un équilibre entre les quantités d’or et d’argent en circulation. Malheureusement, ces métaux manquent durant le règne de Philippe le Bel et ses importantes dépenses creusent le poids de la dette.
Le roi, conscient du problème, va alors dévaluer la valeur de sa monnaie. Concrètement, il fait diminuer la teneur en métal des pièces ce qui permet d’augmenter le nombre de pièces en circulation. Si cette opération, aussi appelée mutation monétaire, permet de diminuer artificiellement la dette royale, elle appauvri les possédants, y compris le roi, puisque cette dévaluation avantage les débiteurs. Philippe aura recours à cette opération six fois en quinze ans, notamment en 1295 et 1303.
Evidemment, la population est très mécontente, chacun étant conscient qu’il est désormais payé avec une monnaie qui a perdu de sa valeur. Philippe tentera deux fois de régler le problème en revenant à une valeur plus juste de sa monnaie, la première fois en 1306 puis en 1313. Néanmoins, la réévaluation 1306 est trop brusque et entraine une hausse importante des loyers et des fermages, les propriétaires exigeant d’être payé en monnaie « forte ». Un vent de révolte souffle alors dans Paris où la foule se réunit sous les fenêtres du Temple à Paris le 30 décembre 1306. Des maisons sont saccagées et le logis d’Etienne Barbette, argentier et maître des Monnaies, est brulé. Le roi lui-même est assiégé au Temple ou il se réfugie durant deux jours. Lorsqu’il mourra en 1314, les tensions dans le pays seront toujours vives.
Un surnom justifié ?
Comme on l’a vu, Philippe le Bel a tout fait durant son règne pour trouver de nouvelles sources de financement pour réformer l’Etat et renforcer son pouvoir. S’il s’est souvent montré impitoyable et sans scrupule, peut-on vraiment l’accuser d’avoir été un roi « faux-monnayeur » ? A priori, la réponse est non puisqu’un faux-monnayeur fabrique de la fausse monnaie ce qui ne fut pas le cas de Philippe le Bel. De plus, d’autres rois auront d’ailleurs recours aux mêmes dévaluations que lui, notamment durant la guerre de Cent Ans. Cependant, ces mutations répétées engendreront un tel mécontentement que Charles VII créera le franc en 1360 en échange de l’instauration d’un impôt permanent pour financer son armée.
Voilà pour ces aspects pas toujours très connus du « Roi de fer ». Si l’article vous a plu, n’hésitez pas à le partager sur les réseaux ! En attendant, je vous dis à bientôt 😉