Le vicomte Trencavel, première victime de la croisade des Albigeois

Carcassonne

Quand on pense aux croisades, la première image qui vient en tête est celle des croisés en Terre Sainte. Pourtant, dans le sud de la France, une contestation religieuse s’organise et va prospérer au grand dam de la papauté : le catharisme. Rome va alors ordonner au roi de France de soumettre ces hérétiques : c’est le début de ce qu’on appellera la croisade des Albigeois.

L’émergence d’un nouveau courant : le catharisme

Bien mieux organisé que les autres mouvements chrétiens dissidents, le catharisme se pose comme le christianisme authentique et accuse l’Eglise de Rome d’être corrompue par la recherche de richesses et de pouvoir. La foi cathare repose sur l’idée de dualisme entre le bien et le mal, le monde physique étant régi par le mal, alors que le monde de l’Esprit est régi par le bien. Ne croyant pas au dogme de la Trinité et à de nombreux sacrements catholique, le catharisme récuse en grande partie l’Ancien Testament et ne croit qu’en un seul sacrement, le consolamentum, le baptême de l’esprit, que les sympathisants cathares reçoivent généralement quelques temps avant leur mort en raison des contraintes qu’ils doivent respecter à la suite de cette cérémonie.

C’est donc cette idéologie qui va s’étendre en Europe au XIIème siècle et provoquer le courroux de Rome. Ainsi, en 1143, un moine allemand avertit l’abbé Bernard de Clairvaux que les membres d’une secte ont été arrêtés à Cologne. Ils disaient appartenir à une Église présente en Grèce dont le culte s’apparentait à celle de la secte des Bogomiles qui promouvait un régime de vie rigoureusement ascétique. Dans les années 1150, un clerc appelé Jonas est convaincu d’hérésie par plusieurs évêques allemands qui l’accusent de professer “l’hérésie des cathares”. Ce terme, venant d’un mot grec signifiant “pur” apparaît à cette époque et va être largement repris dans les années qui suivront. Ce mouvement va s’étendre rapidement en Europe, en Bulgarie, en Rhénanie, en Angleterre, en Italie du Nord, mais également en France, dans le Nord-Est, l’Artois, la Champagne et le midi languedocien.

Si dans certaines zones, cette hérésie est vigoureusement combattue par l’Eglise, la contre-offensive catholique est plus difficile à organiser dans le Midi ou le clergé est assez faible et ou les grands seigneurs font preuve d’une grande tolérance à l’égard des cathares. Cette tolérance est telle, qu’en 1174, Nicétas, un évêque venu de Constantinople, va présider une assemblée au château de Saint-Félix-de-Camaran dans le Languedoc. L’homme, considéré comme le “pape des hérétiques”, va organiser une nouvelle hiérarchie épiscopale et fixer les limites de nouveaux diocèses. Cette nouvelle organisation est alors un pas supplémentaire dans la rupture avec l’Eglise qui ne va pas tarder à réagir. 

La réaction de l’Eglise de Rome

Inquiet du développement cathare en Languedoc, le pape Innocent III envoie plusieurs clercs dans la région dont un certain Pierre de Castelnau. Ce dernier tente de convaincre Raymond VI, comte de Toulouse, de prendre des mesures contre les cathares mais sans résultat. Le Pape décide alors d’excommunier le comte en janvier 1208. Hasard ou coïncidence, Pierre de Castelnau est assassiné le 14 janvier alors qu’il s’apprêtait à rejoindre le Pape. C’en est trop pour Innocent III qui demande en mai 1204 au roi de France, Philippe Auguste, de mener une croisade contre les hérétiques cathares dans le Languedoc. Le roi, en guerre contre l’Angleterre et l’empereur germanique, décide cependant de ne pas intervenir, d’autant plus qu’il considère que le Pape n’a pas d’ordre à lui donner vis-à-vis de ses vassaux.

Après un refus initial, il autorise toutefois les seigneurs du Royaume à participer à la croisade qui s’élance sous la direction du légat pontifical Arnaud Amaury. En 1209, alors que l’armée croisée s’est regroupée à Lyon et commence à descendre vers le sud, le comte de Toulouse se soumet aux croisés, est publiquement flagellé à Saint-Gilles et rejoint finalement la croisade. En effet, le comte n’a pas réussi à s’entendre avec Raimond-Roger Trencavel, autre grand seigneur menacé par les croisés et sait qu’il ne pourra pas compter sur l’aide du troisième puissant seigneur de la région, Pierre II, roi d’Aragon, qui n’est pas menacé par les croisés.

Trencavel, vicomte de Béziers, de Carcassonne et d’Albi, se retrouve alors seul face aux croisés. Ce jeune seigneur de 24 ans, neveu du comte de Toulouse, est très populaire auprès de ses sujets mais se retrouve dangereusement isolé face aux croisés. Alors que leur armée se rapproche, les habitants des alentours de Béziers se réfugient dans l’enceinte de la ville qui est atteinte le 21 juillet par les croisés. Ces derniers se retrouvent alors confrontés à trois soucis : 

  • Chaque croisé à promis de servir la croisade pour une durée de 40 jours ce qui donne peu de temps pour prendre la ville
  • L’armée est descendue loin dans le sud ce qui pose des problèmes de ravitaillement
  • Enfin, dernier problème, et non des moindre. Béziers est réputée imprenable.

Alors que les croisés sont devant Béziers, Trencavel est en route pour Carcassonne afin d’organiser la défense de cette dernière et de rassembler ses vassaux. Néanmoins, les défenses de Béziers ont été renforcées et des vivres ont été amassés pour soutenir un siège. L’évêque de Béziers tente malgré tout de négocier avec les croisés qui se montrent intransigeants. La ville sera épargnée, si et seulement si, les rebelles leur sont livrés. Le 22 juillet des biterrois sortent de la ville et se rendent sur le pont pour narguer les croisés et tenter une sortie. L’attaque est un désastre et ils sont repoussés dans la ville. Les chevaliers français, restés jusque-là en retrait, rentrent dans la mêlée et pénètrent dans la cité. En quelques heures, toute la population est massacrée, soit près de 20 000 victimes passées au fil de l’épée. De ce massacre naîtra la légende de cette phrase probablement apocryphe attribuée au chef des croisés, Arnaud Amaury : “tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens”.

Pour Trencavel, la prise inattendue de Béziers est un coup dur. Dès le 1er août, les croisés mettent le siège devant Carcassonne qui n’est pas prête à subir un siège. Toutefois, le vicomte repousse toute idée de sortie alors que les croisés commencent à pilonner la ville dès le 3 août. Malgré une tentative de médiation du roi d’Aragon, le siège continue et rapidement, l’eau vient à manquer aux assiégés. Afin d’épargner sa population, Trencavel accepte de se rendre et est fait prisonnier. Les habitants ont alors la vie sauve, mais doivent quitter la cité. En revanche, Trencavel est gardé en otage et trouvera la mort quelques mois plus tard dans un cachot de sa propre forteresse. Béziers et Carcassonne, de leurs côtés, sont désormais aux mains du nouveau chef de la croisade, un certain Simon de Montfort. Si ces victoires calment temporairement les seigneurs occitans, la lutte contre les cathares est loin d’être terminée et ne s’achèvera qu’en 1321 avec l’arrestation puis l’exécution de Guillaume Bélibaste, brûlé sur le bûcher de Villerouge-Termenès.

Voilà pour les débuts d’une croisade un peu particulière qui aura vu la chute de l’un des plus puissants seigneurs du royaume. Si vous avez aimé la vidéo, n’hésitez pas à la liker et à vous abonner à la chaîne et en attendant la prochaine, je vous dis à bientôt !