vous ? Paniqué, déprimé, énervé ? Probablement un peu tout à la fois, et c’est sûrement ces sentiments qu’ont connu un grand nombre d’investisseurs un certain 19 octobre 1987. Sans plus attendre, voici l’histoire d’un krach méconnu mais particulièrement brutal.
Un peu de contexte
Le début des années 1980 voit l’arrivée à la Maison Blanche de Ronald Reagan. L’ancien acteur va mener une politique résolument libérale marquée par des diminutions d’impôts, une augmentation des taux d’intérêt pour contenir l’inflation et une baisse de l’ensemble des budgets gouvernementaux (en dehors de la Défense Nationale dont le budget augmenta de 40%). Néanmoins, le déficit commercial américain va se creuser de plus en plus alors que le dollar est de plus en plus surévalué en raison de l’augmentation des taux d’intérêt.
D’un autre côté, les marchés financiers sont de plus en plus décorrélés de l’économie réelle. En effet, l’augmentation du cours des actions va créer une véritable bulle spéculative sur les marchés tout au long des années 1980. Ce phénomène est amplifié par deux tendances :
- L’apparition et le développement de différents instruments financiers tel que les produits dérivés* et les junk bonds**
- La mise en place de systèmes de trading automatique qui permettent d’optimiser les rendements des produits financiers
* Instruments financiers dont la valeur dépend de l’évolution du cours d’un actif appelé sous-jacent
** Obligations très risquées à très haut rendement
Le krach
Il y a des jours comme ça, où tout va mal, quoi qu’on fasse. Le 14 octobre 1987 a été l’un de ces jours pour de nombreux investisseurs. En effet, c’est à cette date que les Etats-Unis vont annoncer un déficit commercial record de près de 15,6 milliards de dollars pour le mois d’août. Pour ne rien arranger, le Congrès rejettera le même jour une proposition de loi permettant de déduire les intérêts d’emprunts si ces derniers concernent des rachats de sociétés. Enfin, le lendemain, un pétrolier battant pavillon américain est touché par un missile iranien alors que la guerre fait déjà rage entre l’Iran et l’Irak. De manière assez surprenante, les Etats-Unis ne répliqueront pas à cet incident mais la tension est palpable, y compris sur les marchés.
Finalement, c’est le lundi 19 octobre que le krach se produit et il est brutal. En une seule journée, la bourse de New-York va s’effondrer de près de 22,6%. C’est plus que lors du « Black Monday » du lundi 28 octobre 1929 où le Dow Jones, indice de référence américain, avait chuté de 12,6%. Dans un monde déjà très connecté, cette chute va alors s’étendre aux autres places boursières. On notera notamment la chute de 46% à Hong-Kong et de 27% à Londres qui donneront des sueurs froides aux traders. De son côté, Paris résistera mieux avec une baisse limitée à 9,6%.
Si on s’interroge souvent sur le « pourquoi », la question à se poser ici est plutôt « comment ? ». Pour comprendre la raison d’une telle chute, il faut revenir quelques années en arrière. En effet, avant la forte hausse des années 1980, les marchés avaient connu une baisse plus ou moins continue durant les années 1970. Ce souvenir avait poussé les professionnels de la finance à créer des outils destinés à protéger leurs gains grâce notamment aux systèmes de trading automatiques évoqués un peu plus haut. Malheureusement, ces outils vont montrer leurs limites le 19 octobre. Ainsi, plus les cours des actions vont baisser, plus les systèmes vendront des actions, ce qui entrainera une nouvelle baisse puis de nouvelles ventes. Un véritable cercle vicieux qui provoquera un petit vent de panique.
Réactions et conséquences
Si cela peut paraître étonnant et même contre-intuitif, le krach de 1987 n’aura pas d’impact sur l’économie réelle, contrairement à ceux de 1929 et de 2008. La principale raison est l’action rapide et énergique de la banque centrale américaine : la Fed*. Cette dernière est dirigée depuis le 11 août 1987 par un nouveau président, Alan Greenspan, qui rassurera les établissements financiers en difficulté en leur prêtant les fonds nécessaires pour éviter leur effondrement. Cette forte injection de liquidité couplée à une baisse des taux permettra à l’économie américaine de finir l’année à un taux de croissance de 3,5%. Mieux encore, deux ans seulement après la chute, le Dow Jones retrouve son niveau d’avant-krach.
* nom complet : Federal Reserve (Réserve Fédérale)
Changements et influence à long terme
Cette crise aura deux grands types de conséquences. Premièrement, les autorités financières mettront en place des outils « coupe-circuit » destinés à interrompre les trop grands flux vendeurs en cas de forte variation des cours. Ce type de dispositif existe désormais sur toutes les bourses mondiales et permettra notamment d’éviter une trop grande panique sur les marchés actions lors de la crise liée au Covid en mars 2020. De plus, les systèmes de trading automatique se sont perfectionnés et fonctionnent désormais selon des règles très différentes (contrairement à 1987 où tous les outils se basaient sur les mêmes règles de trading). Deuxièmement, la politique de la Fed sera particulièrement accommodante dans les années qui suivront, notamment lors des différents chocs économiques et géopolitiques. On peut toutefois s’interroger sur les fortes injections de liquidités et la politique de taux bas qui alimenteront des bulles spéculatives sur les marchés des actions (bulle internet en 2000 et l’immobilier quelques années plus tard).
Si vous souhaitez en savoir plus sur le contexte, le déroulement et les conséquences de ce krach, n’hésitez pas à lire « Le krach boursier de 1987 » de Patrice Moine et si cet article vous a plu, n’hésitez pas à réagir et à le partager sur les réseaux.