Connaissez-vous le carnaval de Dunkerque ? Non, alors parlons-en un peu. Cet évènement qui se déroule autour de Mardi Gras trouve ses racines au début du XVIIème siècle. A cette époque, les armateurs organisaient une grande fête (la « Foye ») pour les marins-pêcheurs qui allaient partir pour 6 mois de pêche au hareng en Islande. De cette foye naîtra la bande des pêcheurs qui finira par devenir le carnaval que l’on connaît aujourd’hui. Durant les festivités, plusieurs chansons traditionnelles sont reprises en chœur par les participants. L’une des plus célèbres est la Cantate à Jean Bart, chanson qui rend hommage à l’un des plus grands marins de l’histoire de France. Retour sur sa vie et ses aventures dans cet article.
Les premières années
Né le 21 octobre 1650 à Dunkerque, Jean Bart grandit dans un contexte tumultueux pour sa ville natale. En effet, cette dernière est prise par les espagnols en 1652, puis sera reprise par le maréchal Turenne pour les français le 25 juin 1658. Durant cette “folle journée”*, la ville passera des mains des espagnols à celles des français, avant d’être rendue aux anglais le soir. Louis XIV rachètera finalement Dunkerque au roi d’Angleterre le 27 octobre 1662 et fera une entrée triomphale dans la ville le 2 décembre de la même année. Pour Jean Bart, l’année 1662 est également importante à titre personnel puisqu’il embarque comme mousse à bord d’un brigantin** de garde-côte appelé le Cochon Gras. Cette expérience lui permet d’apprendre les bases de la navigation tout en découvrant les côtes françaises, britanniques et hollandaises. En 1666, alors que son père est décédé au service des Provinces-Unies*, Jean devient matelot sur le vaisseau de l’Amiral de Ruyter, l’un des meilleurs stratèges hollandais. C’est sous ses ordres qu’il acquiert son premier commandement d’un autre brigantin, le Canard Doré.
Cependant, en 1672, la France déclare la guerre aux Provinces-Unies qui sont soutenues par l’Espagne. Rapidement, Jean Bart va recevoir le commandement d’un petit bateau armé de deux canons et effectuera sa première prise : du charbon de terre. En moins d’un an, il fera 7 prises ce qui lui vaudra d’être cité en exemple par Colbert. Si ses succès vont se multiplier, la situation de la France va se compliquer. En effet, l’Angleterre, jusque-là alliée de la France, signe la paix avec les Provinces-Unies en février 1675, alors qu’en septembre 1676, c’est la France qui déclare la guerre à la Ligue hanséatique***. Stationné à Hambourg à cette époque, le navire de Jean Bart est saisi, mais ce dernier est autorisé à regagner Dunkerque ou il se marie à l’âge de vingt-cinq ans. Son mariage ne l’empêche pas de multiplier les prises. Il prend alors successivement le commandement des frégates La Palme et Dauphin puis du navire Mars grâce auxquels il s’emparera d’une trentaine de navires jusqu’à la fin du conflit en septembre 1678.
* les actuels Pays-Bas
** voilier à deux mâts à voiles carrées
*** alliance qui regroupe plusieurs villes allemandes du nord
L’ascension d’un corsaire
Une fois la paix signée, Vauban va fortifier la rade de Dunkerque et sera conseillé par Jean Bart qui lui donnera de précieux conseils. L’année suivante, le corsaire est admis au sein de la Marine royale avec le grade de lieutenant de vaisseau et mènera quelques escarmouches face aux pirates barbaresques en Méditerranée. Toutefois, en 1688, les ambitions françaises et l’inquiétude des princes européens engendre un nouveau conflit : c’est le début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Une fois encore, Jean Bart se distingue contre les navires anglais et hollandais, mais en 1689, il escorte un convoi de navires de commerce qui doivent se rendre à Brest. Si la cargaison arrivera bien à destination, Jean Bart sera cette fois capturé par les anglais en compagnie du chevalier de Forbin et d’une vingtaine de ses hommes. Néanmoins, il s’évadera rapidement et parviendra à rejoindre la France en traversant la Manche à la rame ce qui lui vaudra d’être promu au rang de capitaine de vaisseau.
Dès lors, le corsaire va enchaîner les victoires en perfectionnant ses tactiques basées sur l’utilisation de frégates rapides et maniables. Cependant, malgré ses raids le long des côtes ennemies et les dommages considérables qu’il cause au commerce maritime de ses adversaires, la situation de la France est critique, en raison de la supériorité de la flotte anglo-hollandaise sur la marine royale. La famine gagne même la capitale et Jean Bart reprend la mer en mars 1694. Il réalise alors l’un de ses plus beaux exploits au large de l’île du Texel. A cet endroit, le corsaire aperçoit le convoi rempli d’une cargaison de blé acheté à la Norvège. Cependant, les navires ont été capturés par huit vaisseaux de guerre hollandais et Jean Bart ne possède que sept navires plus petits. Plutôt que de se lancer dans un affrontement d’artillerie, il décide de lancer ses hommes à l’abordage. Le succès est total et, à son retour en France, le prix du blé passe de 30 à 3 livres. Cet exploit renforce encore sa popularité dans le Royaume et lui vaut d’être anobli par le roi.
Les derniers exploits
Cependant, la guerre n’est pas terminée et en 1695, une escadre anglo-hollandaise se présente au large des côtes françaises et bombarde les villes de Saint-Malo, Granville, Calais et Dunkerque. Cette fois, c’est au prix d’une intense canonnade que Jean Bart parvient à mettre l’ennemi en fuite. L’année suivante, le corsaire réalise un nouvel exploit en s’attaquant à un convoi hollandais en mer du Nord. Malgré l’arrivée d’une flotte de secours qui se lancera à sa poursuite, Jean Bart parviendra à rejoindre Dunkerque avec 1200 prisonniers et 25 navires marchands capturés ce qui lui vaut une nouvelle promotion au grade de chef d’escadre*. Il mènera une dernière expédition en septembre 1697 en escortant le prince de Conti qui visait le trône de Pologne. S’il parvient à emmener le prince en Pologne, ce dernier renoncera finalement à la couronne polonaise alors que la fin de la guerre sera signée quelques jours plus tard.
En 1702, le roi Charles II d’Espagne meurt et Louis XIV sait qu’un nouveau conflit se prépare au sujet de sa succession. Une fois de plus, son fidèle corsaire est chargé d’armer une escadre à Dunkerque et inspecte avec attention ses navires malgré une mauvaise toux. Il meurt finalement quelques semaines plus tard, à Dunkerque le 27 avril 1702, des suites d’une inflammation des poumons. Une foule immense assistera aux obsèques de celui qui était considéré comme le “plus grand pirate de Louis XIV” et qui aura acquis le respect de tout le Royaume mais également de ses ennemis anglais et hollandais. En hommage à sa mémoire, pas moins de 27 navires porteront son nom dont le plus gros bâtiment de ligne de la marine française : le Jean Bart dont la construction a commencé en 1936.
Vous connaissez maintenant l’histoire du plus grand corsaire de Louis XIV qui aura apporté tout son savoir-faire maritime durant les nombreuses guerres du Roi-Soleil, souvent dans des situations défavorables. Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à réagir et à le partager sur les réseaux.
* grade qui sera remplacé durant la Révolution par le grade de contre-amiral