En 1795, un jeune garçon vient demander au général Bonaparte le sabre de son père exécuté l’année précédente. C’est la seule apparition d’Eugène de Beauharnais dans le Napoléon de Ridley Scott. Pourtant, cet héros méconnu de notre histoire occupa une place centrale dans l’organisation du système napoléonien tout au long du règne de l’Empereur. Retour sur une carrière brillante en France et en Europe.
Une ascension dans l’ombre de son beau-père
Eugène de Beauharnais naît à Paris le 3 septembre 1781. Il est le fils d’Alexandre, vicomte de Beauharnais, et de Joséphine Tascher de la Pagerie, future épouse de Napoléon. Alors qu’il n’a que 13 ans, son père est arrêté en janvier 1794 et accusé de trahison et complicité de conspiration. Guillotiné le 23 juillet 1794, il laisse Eugène et sa sœur Hortense orphelins. De son côté, Joséphine est emprisonnée plusieurs mois au couvent des Carmes mais parvient à survivre à la Terreur. Une fois libérée, elle se rapprochera de Barras, membre du directoire, avant de rencontrer Napoléon Bonaparte qu’elle épousera le 9 mars 1796.
De son côté, Eugène devient sous-lieutenant des hussards en 1797 et est affecté auprès de son nouveau beau-père en tant qu’aide de camp. S’il n’a pas l’occasion de briller durant la campagne d’Italie, il participe aux assauts des villes de Jaffa et de Saint-Jean-d’Acre et sera d’ailleurs blessé sous les murs de cette dernière durant la campagne d’Egypte. Suite au coup d’Etat du XVIII Brumaire qui porte Napoléon au pouvoir, il devient capitaine des chasseurs à cheval de la garde consulaire et suit de nouveau le Premier Consul en Italie. Cette fois, il se distingue à Marengo où il charge à la tête des guides ce qui lui vaut une nouvelle promotion.
Durant les années qui suivent, il continue son ascension sous le regard bienveillant du futur empereur qui l’estime sincèrement. Eugène est ensuite nommé colonel et président du collège électoral du Loire-et-Cher sous le Consulat et, dans la foulée de la proclamation de l’Empire, il est fait prince et général de brigade. Début 1805, il devient même archichancelier d’État puis, le 7 juin, il est nommé vice-roi d’un royaume d’Italie qu’il administre avec brio. En 1806, Napoléon décide de placer les membres de sa famille dans les cours européennes en les plaçant à la tête d’Etats soumis où grâce à des mariages. C’est cette dernière option qui est choisie pour Eugène qui épousera Augusta-Amélie, fille de l’électeur de Bavière le 14 janvier. Un mois plus tard, il est même officiellement adopté par Napoléon.
Une carrière militaire brillante sous l’Empire
En Italie, Eugène entretient une cour brillante mais continue de servir militairement la France. Il participe ainsi aux grandes batailles de l’Empire et se distingue en 1809 face à la 5ème coalition composée de l’Autriche et de l’Angleterre. Il remporte notamment la bataille de Raab face à l’archiduc Jean d’Autriche puis joue un rôle majeur durant la victoire de Wagram. Toutefois, quelques mois plus tard, un événement va mettre à l’épreuve sa fidélité : le divorce de Napoléon avec sa mère. Alors qu’il souhaite initialement se mettre en retrait, Joséphine et Napoléon le convainquent de rester au service de l’Empereur. En effet, ce-dernier l’estime toujours beaucoup, et lorsqu’en 1812, vient le temps de la confrontation avec la Russie, Eugène prend le commandement du 4ème corps d’armée composé de troupes italiennes, françaises et bavaroises.
Lors de la marche vers Moscou, Eugène s’illustre à la Moskowa où il commande l’attaque de Borodino, mais la Grande Armée est piégée dans Moscou et Napoléon, dans l’incapacité de marcher vers Saint-Pétersbourg, doit donner l’ordre de la retraite. C’est alors un véritable chemin de croix qui commence pour les soldats français avec en point d’orgue la bataille de la Bérézina qui permet à la Grande Armée d’éviter l’anéantissement. Dans la foulée, Napoléon rentre à Paris où le général Malet vient de tenter un coup d’État en décembre 1812. L’Empereur laisse le commandement à Murat, mais ce dernier quitte également l’armée pour tenter de sauver son trône de Naples. C’est donc Eugène qui prend le commandement des reste de la Grande Armée et rassemble les troupes rescapées pour faire face aux russes sur l’Oder puis devant Berlin.
Son action permet à Napoléon de former une nouvelle armée pour repartir au combat en mai 1813 face aux puissances européennes qui se sont regroupées au sein de la 6ème coalition. Néanmoins, si le front principal se trouve en Allemagne, Eugène retourne en Italie afin de mater les révoltes anti-française et de protéger le royaume d’Italie de la pression autrichienne. Malgré les pressions de son beau-père, le roi de Bavière, il reste fidèle à Napoléon et doit même combattre les troupes de Murat qui a rejoint les alliés en février 1814. Ses succès seront toutefois vains et Eugène devra d’accepter un armistice. Le soulèvement de Milan le 20 avril 1814 le contraint finalement à abandonner l’Italie et à rejoindre sa belle-famille à Munich.
L’après-Napoléon : entre gestion de ses terres et politique matrimoniale
Après l’abdication de Napoléon en avril 1814 et suite à la mort de sa mère le 29 mai de la même année, Eugène se rend à Paris où le Tsar Alexandre et le roi Louis XVIII le reçoivent avec égards. Il renonce alors à toute activité politique et demeurera fidèle à cet engagement durant les Cent-Jours. Il demeure alors en Bavière où il est fait Duc de Leuchtenberg et Prince d’Eichstätt grâce à la protection de son beau-père. Il consacrera dès lors ses journées à la gestion de ses propriétés mais continuera de soutenir financièrement les membres de la famille Bonaparte et leurs fidèles.
Sa stratégie matrimoniale intelligente lui permettra de lier son nom à celui de nombreuses grandes familles européennes ce qui explique que de nombreuses familles régnantes actuelles descendent de lui aujourd’hui. Ainsi, sa fille ainée épousera Oscar Bernadotte, futur roi de Suède alors que sa quatrième fille deviendra impératrice du Brésil. Son fils ainé quant à lui épousera la reine du Portugal et le second une Grande-Duchesse de Russie. Eugène s’éteindra cependant le 21 février 1824, victime d’une crise d’apoplexie foudroyante à l’âge de 42 ans.
Bien que compétent et respecté, le nom d’Eugène de Beauharnais n’est que rarement cité parmi les grands généraux de l’Empire. Il a pourtant laissé une marque indéniable dans l’histoire de France grâce à son talent et à ses succès, gagnant même le respect de Napoléon lui-même. Si vous avez aimé l’article, n’hésitez pas à le partager et en attendant le prochain, je vous dis à bientôt !