Au XIIIème siècle, Paris devient la ville la plus peuplée de la chrétienté causant bien des soucis aux rois quant au ravitaillement de la population parisienne. Pour ce faire, une dizaine de marchés sont répartis dans la capitale dans un joyeux brouhaha qui va perdurer jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. En 1811, le préfet Frochot va remettre à Napoléon les plans d’un immense marché central couvert qui se devait se dresser sur le futur site des Halles. La chute de l’Empire mettra fin au projet, mais quelques années plus tard, le sujet revient sur la table.
Les trois tentatives de Victor Baltard
Alors que la France est dirigée par Louis-Philippe dans le cadre de la monarchie de Juillet, l’architecte Victor Baltard soumet une première proposition pour la construction de Halles centrales dans la capitale. La chute du roi en février 1848 entraîne l’abandon du projet qui renaît avec l’arrivée au pouvoir du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, le futur Napoléon III.
Cette fois, Baltard parvient à aller au bout de ses idées et le 15 septembre 1851, la première pierre est posée. Malheureusement pour l’architecte, les pavillons de pierre qu’il a construits sont vite moqués par les parisiens qui trouvent l’ensemble lourd et massif. De plus, les entrées sont trop étroites et précédées de marches ce qui gêne l’approvisionnement des stands. Ainsi, sans surprise, Napoléon décide de l’arrêt des travaux et ordonne la construction d’un nouvel ensemble de style plus moderne.
Baltard va alors se lancer dans un nouveau projet résolument novateur, utilisant massivement le fer, la fonte et le verre. Le style des Halles de Paris suscite l’admiration générale et va être copié plus d’une fois. Ironiquement, alors que le style des Halles est rattaché à Baltard, ce dernier méprisait l’usage du fer et de la fonte qu’il considérait comme des matériaux inférieurs dédiés aux bâtiments utilitaires et non aux monuments officiels. Néanmoins, dans le cadre de la construction des Halles, l’architecte avait dû se conformer aux désirs de l’Empereur.
Un marché au coeur de Paris
A la fin du Second Empire, dix des douze pavillons sont achevés et il faut attendre 1936 pour que les deux derniers soient construits. Dans son roman, “Le Ventre de Paris”, Emile Zola décrira l’intense activité du marché des Halles sous l’Empire avec ses pavillons qui abritaient différents types de commerces, tels que des boucheries, des poissonneries ou des fromageries dans de vastes espaces lumineux grâce aux grandes verrières qui apportaient une lumière naturelle abondante. De plus, la présence de galeries entre les pavillons permettait de faciliter la circulation des passants et des professionnels entre les bâtiments.
Dans les années 1950-60, près de 5 000 personnes travailleront sur ce marché, notamment la nuit. En effet, c’est vers le soir qu’arrivaient les produits frais qui étaient ensuite placés sur les étals. Puis, autour de deux heures du matin, une sonnerie de cloche donnait le signal des ventes. L’activité était alors intense jusqu’au petit matin avant de ralentir nettement autour de 10 heures. Malgré une clientèle variée, on retrouvait surtout trois types d’acheteurs : les professionnels de l’hôtellerie-restauration, des commerçants et des représentants de collectivités (écoles notamment). Cependant, il arrivait parfois que des particuliers se mêlent aux professionnels afin de dénicher de bonnes affaires.
Toutefois, dès les années 1950, la question du maintien des Halles au cœur de Paris va se poser en raison de problématiques sanitaires et de circulation. Ainsi, en mars 1969, le marché est transféré à Rungis en un seul week-end et dans les deux années qui suivent, les pavillons des Halles vont accueillir différentes manifestations culturelles. Puis, en 1971, le conseil municipal de Paris décide de la destruction des pavillons malgré les protestations d’architectes et de défenseurs du patrimoine. La seule concession faite aux protestataires est la préservation et le déplacement d’un pavillon* qui existe toujours de nos jours à Nogent-sur-Marne et qui accueille régulièrement des manifestations culturelles.
* le n°8 qui abritait le marché aux oeufs et à la volaille
La transformation des Halles
Suite à la destruction des pavillons, l’ancien marché laisse place à un trou béant qui sera comblé par plusieurs constructions. Tout d’abord, c’est la station du RER qui est achevée en 1977, puis deux ans plus tard, une première partie du Forum est inaugurée le 4 septembre 1979 et la deuxième est terminée en 1985. Enfin, des jardins sont aménagés en 1986. L’architecture du nouvel ensemble avec ses “parapluies” de l’architecte Jean Willerval est loin de faire l’unanimité surtout que l’opinion des parisiens n’a pas vraiment été respectée (le projet de 1975 choisi par les parisiens n’a pas été retenu et le choix de Jean Willerval a été imposé par Jacques Chirac).
Trente ans plus tard, l’image des Halles est tellement mauvaise (trafics, insécurité, vices de construction) que la ville de Paris lance un projet de rénovation du quartier. C’est le projet de David Mangin qui est retenu (avec quelques modifications) pour un coût final estimé à près de 802 millions d’euros. Les travaux sont lancés en 2010 et concernent la construction d’une nouvelle toiture et la réorganisation des espaces intérieurs du Forum des Halles. En 2016, la Canopée est officiellement inaugurée et prendra le nom de Westfield Forum des Halles en septembre 2019 selon la volonté de son propriétaire, le groupe Unibail-Rodamco-Westfield
Vous connaissez désormais l’histoire de ce site central à Paris qui accueille aujourd’hui un immense centre commercial mais qui était considéré comme le ventre il y a quelques dizaines d’années. Pour les nostalgiques des anciennes Halles, le photographe Robert Doisneau avait pris de nombreux clichés de cet ancien Paris populaire qui a désormais disparu.