Si d’habitude, les armées et marines de guerre sont la prérogatives des Etats, l’Histoire regorge de contre-exemples allant des pirates jusqu’aux mercenaires. Cependant, au XXème siècle, une société s’est retrouvée, sans le vouloir, à la tête d’une véritable flotte de guerre. Cette entreprise, c’est le géant américain du soda : PepsiCo. Mais comment le rival de Coca-Cola s’est-il retrouvé avec une telle armada sur les bras ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.
Un échange de bons procédés
En 1953, le leader soviétique Joseph Staline meurt, et est remplacé par Nikita Khrouchtchev. Dans les années qui suivent son arrivée au pouvoir, les rapports avec les Etats-Unis se réchauffent quelque peu, et en 1959, une exposition est même organisée en Union Soviétique pour présenter le mode de vie et les grandes marques américaines. C’est dans ce contexte que Richard Nixon, alors vice-président américain et ami personnel de Donald Kendall (l’un des dirigeants de PepsiCo), va faire visiter le stand de Pepsi à Khrouchtchev. Le dirigeant soviétique goûte alors le soda et l’aime tellement qu’il en boira 6 verres devant les objectifs des photographes américains.
Donald Kendall, ravi de cette réussite médiatique, va s’employer à négocier avec l’URSS pour pénétrer sur le marché soviétique. Les tensions entre les deux superpuissances et les différences entre les systèmes économiques sont telles qu’il faudra près d’une dizaine d’années de négociation, mais en 1972, PepsiCo est la première marque américaine à s’implanter en Union Soviétique. L’accord est alors le suivant : Pepsi exporte la préparation nécessaire à l’élaboration du soda en URSS où il est mélangé à de l’eau minérale soviétique dans des usines Pepsi situées dans le pays, puis l’entreprise américaine distribue son soda en exclusivité en Union Soviétique. Toutefois, un problème se pose rapidement : l’argent puisque le rouble n’a aucune valeur sur le marché des changes internationaux.
Des solutions de paiement originales
Une solution est alors trouvée avec les autorités soviétiques : en échange de son soda, Pepsi recevra de la vodka Stolichnaya qu’elle pourra vendre en exclusivité sur le marché américain. Ainsi, entre 1973 et 1981, ce sont près de 2 millions de décalitres* de vodka qui sont envoyés aux Etats-Unis alors que 33 millions de décalitres de soda sont produits sur le sol soviétique. Cependant, à la fin des années 80, la consommation de Pepsi s’accroît en URSS alors que les ventes américaines de vodka diminuent, entre autres en raison d’un boycott lancé suite à l’intervention soviétique en Afghanistan. De plus, le groupe américain connaît une période un peu compliquée sur le plan financier.
Un nouvel accord est alors signé entre les deux parties en 1989, et cette fois, le deal est surprenant. En échange de son soda, Pepsi devient propriétaire de 17 sous-marins
à propulsion diesel-électrique, d’un croiseur, d’une frégate et d’un destroyer, faisant ainsi du géant américain l’une des plus puissantes flottes de la planète (le rang de 6ème flotte mondiale est parfois évoqué mais me semble exagéré). Il était également convenu qu’un an plus tard, 10 autres navires seraient également cédés à Pepsi, mais suite à l’effondrement du bloc soviétique, la livraison n’aura jamais lieu.
Évidemment, la société américaine ne conservera pas sa flotte bien longtemps et les navires et sous-marins, vieux et en mauvais état, seront vendus à des chantiers de déconstruction suédois et norvégiens. Cet accord inspirera d’ailleurs Donald Kendall (devenu président de PepsiCo) qui, en plaisantant avec le conseiller à la Sécurité nationale, déclarera : « Nous désarmons l’Union soviétique plus vite que vous ! ».
Néanmoins, toute les bonnes choses ont une fin et l’effondrement de l’Union Soviétique signera également la fin de l’accord d’exclusivité pour Pepsi sur le sol russe. Une nouvelle qui fera le bonheur de Coca-Cola qui pourra enfin rentrer sur ce marché jusqu’ici inaccessible. La Russie demeurera toutefois le deuxième marché le plus important pour Pepsi jusqu’à l’invasion de l’Ukraine en 2022 qui entrainera la suspension des ventes de Pepsi (et de Coca-Cola) en Russie.
* un décalitre = dix litres
Voilà pour cette histoire surprenante, qui fait sourire, mais qui annonçait d’une certaine manière l’effondrement imminent du géant soviétique. Si vous avez aimé la vidéo, n’hésitez pas à la liker et à vous abonner à la chaîne et en attendant la prochaine, je vous dis à bientôt !